Introduction

Psychologue clinicienne /psychanalyste, ayant un doctorate en psychopathologie fondamentale, je consulte en institution et en ligne, ou par téléphone.

 

Le plupart des textes ci-joints sont le fruit d'un travail de recherche clinique, parfois universitaire. Ils sont adressés surtout, mais non exclusivement, aux collègues cliniciens. 

 

Je m'intéresse également à la littérature. Ce travail-ci s'adresse à tous. 

 

 


Les Mots dans l'oeil ! Words in the Eye ! 

 

"J'éprouvais un malaise confus, que j'essayais d'attribuer à la rigidité et non à l'action d'un narcotique.  Je fermais les yeux, les ouvris. Alors je vis l'Aleph."

 

"J'en arrive maintenant au point essentiel, ineffable de mon récit; ici commence mon désespoir d'écrivain. Tout langage est un alphabet de symboles dont l'exercice suppose un passé que les interlocuteurs partagent; comment transmettre aux autres l'Aleph infini que ma craintive mémoire embrasse à peine ? Les mystiques, dans une situation analogue, prodiguent les emblèmes : pour exprimer la divinité, un Perse parle d'un oiseau qui en une certaine façon est tous les oiseaux; Alanus ab Insulis, d'une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part; Ezéchiel, d'un ange à quatre visages qui se dirige en même temps vers l'Orient et l'Occident, le Nord et le Sud. (Je ne me rappelle pas vainement ces analogies inconcevables; elles ont un rapport avec l'Aleph.)  Peut-être les dieux ne me refuseraient-ils pas de trouver une image équivalente, mais mon récit serait contaminé de littérature, d'erreur." 


 Extrait de L'Aleph  J. Borges

 

 

Dans ma jeunesse j'ai eu la chance de voir Jorgé Borges donner une conférence à mon université où j'étais alors étudiante. L'homme m'a beaucoup impressionné. Appuyé sur sa cane et dans un anglais parfait il parlait de son travail d'écrivain, d'artiste. De ses oeuvres, certaines ont restées longtemps gravées dans ma mémoire. Toute sa vie voyante il craignait les miroirs. Il avait peur d'un jour voir un double qu'il ne reconnaîtrait pas. Je trouve approprié de le citer ici, au début, comme la lettre A, l'Aleph. Ici cette  lettre sert au poète  à décrire  un point à partir duquel son personnage pouvait voir "le tout", point à la fois omniscient et point de vérité ou certitude de l'être. C'est un panorama également très mélancolique. L'écrivain fait le constat qu'il ne pouvait jamais tout dire, tout décrire, même s'il était "voyant". Il fait le constat amer que les mots ne sont jamais suffisants pour exprimer le tout d'une vision, quelle qu'elle soit. Evidemment l'écrivain exprime aussi l'impossibilité pour chacun de "tout savoir", et même de tout dire de son expérience. Cette impossibilité est particulièrement vraie d'une rencontre avec un autre sujet. J'essaie néanmoins de donner l'opportunité pour qu'une parole de sujet puisse émerger lors d'une rencontre et de restituer ce que certains sujets m'ont appris.  

 

Barbara Bonneau